
Par la création qu’elle permet de mondes secondaires alternatifs et par ses codes génériques sujets à la réappropriation, la fantasy est un genre de l’imaginaire dont les potentialités sont illimitées, et qui offre la possibilité d’interroger les systèmes normatifs en place. Ce n’est donc pas un hasard si elle a été investie, au fil des décennies, par des discours issus de divers courants féministes et queer.
Que se produit-il lorsque la fantasy rencontre ces perspectives ? Comment peuvent-elles éclairer les œuvres (livres, nouvelles, séries télévisuelles), mais aussi les phénomènes faniques et militants qui les entourent ? Comment aborder la fantasy (l’analyser, mais aussi l’écrire) en s’intéressant aux dynamiques genrées, sexuelles, sexuées, ainsi qu’aux savoirs féminins et aux cultures des marges ?
De quoi ça parle ?
Un groupe d’universitaires (des femmes, mais aussi des hommes), mais aussi de talentueuses autrices ont prêté leurs connaissances et leur plume pour réfléchir sur la possibilité offerte par les littératures de l’imaginaire et voir comment les féminismes peuvent s’y faire une place et les renouveler.
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L’imaginaire est (vraiment) politique
On connaît toutes et tous les héros de fantasy suant la testostérone, les poils et les grosses épées. Et les jeunes femmes éperdues qu’il faut sauver d’un méchant magicien/dragon/kidnappeur malveillant (rayer la mention inutile).
Bon, ça change depuis quelques années, avec l’arrivée de nombreuses autrices qui révolutionnent le genre : Becky Chambers, Floriane Soulas, Estelle Faye (parmi mes préférées). Et franchement, lire ces nouvelles voix de l’imaginaire (françaises et internationales pour le coup) fait vraiment plaisir ! Moi qui lis principalement des femmes en plus, ça me fait doublement plaisir.
Cet essai est doublement passionnant car il contient de la fiction, qui déplace le sujet de la fantasy vers des héroïnes pas forcément représentatives de celles qu’on peut voir dans les littératures de l’imaginaire « traditionnelles ». Et en ce qui concerne le côté universitaire de cet ouvrage, il est aussi exigeant que passionnant, vraiment !
J’ai particulièrement apprécié l’essai de Manon Berthier, qui parle du détournement du conte traditionnel de Cendrillon en faisant de l’héroïne… justement la vraie héroïne de son histoire. La question de la sorcière Circé est également traitée dans le texte de Cyrille Ballaguy et Élise Wolf Ballaguy avec un parallèle fait entre son traitement antique et sa réécriture par plusieurs autrices, dont le merveilleux livre de Madeline Miller. Les autres sont tout aussi intéressants, mais ces deux-là ont largement eu ma préférence, je dois l’avouer.
Un essai comme Fantasy & féminismes est ultra important car il montre le chemin qu’il reste encore à faire pour pouvoir lire des textes qui sortent enfin des chemins tout tracés où les femmes sont cantonnées à des rôles de faire-valoir d’un prince, ou en tout cas d’une relation hétéronormative.
Bien entendu, et heureusement d’ailleurs, il existe déjà de nombreuses autrices qui montrent d’autres manières de vivre les relations, entre femmes ou non. Parmi mes bangers personnels :
- Samantha Shannon avec son Prieuré de l’Oranger ;
- Backy Chambers ;
- Estelle Faye avec Les Ombres de Willowthorne et son oeuvre de manière plus générale.
Je l’avoue, je me tourne principalement vers les autrices car je suis en quête d’autres voix/voies dans les littératures de l’imaginaire. Mais lire aussi des universitaires qui ont réfléchi sur le sujet de manière approfondie m’apparaît aussi indispensable d’un point de vue personnel que pour avancer sur la lutte féministe de manière plus générale !
Cet essai est une grande réussite pour moi, car il a su alimenter ma réflexion sur le sujet dont les autrices parlent avec beaucoup de compétences. Et bien évidemment qu’il faut le lire si le sujet vous intéresse !
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Cette lecture a été faite dans le cadre d’un partenariat avec les éditions ActuSF que je remercie vivement pour leur confiance !