Traumachine – Intelligence Artificielle et Techno-fascisme


Lecture / mercredi, août 20th, 2025

Comment parler de l’intelligence artificielle ? C’est difficile, parce qu’elle parle à notre place. Fondé sur une enquête philosophique précise, ce livre nous invite à analyser le traumatisme anthropologique de l’IA. Notre imagination a en effet été prise en otage par les machines bavardes, qui s’immiscent dans notre vie et décident pour nous. Voici venu le temps du fascisme artificiel, ce techno-fascisme adossé aux IAs. Pour désamorcer cette bombe cognitive qui dessèche l’esprit et brûle l’environnement, Frédéric Neyrat propose un livre à deux fronts.

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De quoi ça parle ?

Frédéric Neyrat, philosophe français, nous plonge dans une réflexion profonde à propos de l’intelligence artificielle, des changements qu’elle provoque et des méfaits sur nos sociétés. Et à travers son texte, il met à la fois en garde ses lecteurices et les pousse à réfléchir elleux-mêmes sur cette thématique tellement omniprésente qu’il est désormais impossible de passer à côté.

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Comment la technologie peut constituer une arme pro-fasciste

On entend (bien trop) souvent les bénéfices, souvent des promesses qui n’engagent que celleux qui y croient, à propos de l’intelligence artificielle sensée sauver le monde et apporter leur aide à une espèce humaine qui semble en avoir désespérément besoin, incapable qu’elle est de se débrouiller seule.

C’est le techno-solutionnisme.

Pourtant, la réalité semble toute autre, comme le montre l’auteur Frédéric Neyrat dans son essai Traumachine – Intelligence Artificielle et Techno-fascisme. Les beaux jours annoncés par les têtes pensantes ne semblent l’être que pour une élite. Le reste des êtres humains et humaines qui peuplent cette planète pourra bien se contenter de voir ses données dérobées, son quotidien épié et dicté par le tout-technologique et ses conditions de vie détruites, en particulier les pays du Sud.

Pire (oui, c’est possible) l’abus d’intelligence artificielle pourrait amoindrir l’esprit critique des utilisateurs et utilisatrices :

Ce qui compte est la production et la circulation de données, qui constituent ce qui est valorisé et source de profits – que ces données soient générées par une IA, un bot, un faux site d’information ou un humain, peu importe.

(page 47)

L’auteur nous présente ici un essai complet et exigeant, à tel point que j’ai dû le reprendre en plusieurs fois pour réussir à la fois à saisir la majeure partie des concepts développés et à terminer ma lecture. Peut-être le texte aurait-il mérité une repasse de vulgarisation, afin d’attirer un lectorat moins familier des contenus universitaires. Du moins, c’est la réflexion qui m’est venue régulièrement en tête à la lecture de ce livre.

J’ai beaucoup apprécié l’utilisation d’œuvres artistiques, notamment le film Metropolis de Fritz Lang pour traiter de l’aliénation des capacités humaines une fois noyées dans le « tout-machine ».

Ce moment accumulation doit toujours être répété par la machine capitaliste qui cherche toujours à extorquer, exproprier et privatiser une nouvelle part de l’être, un terrain commun (…), un bien commun ou une faculté commune.

(page 105)

Pour être honnête, je m’attendais peut-être à un contenu plus concret. Néanmoins, je suis contente d’avoir pu découvrir et aborder les concepts déployés par Frédéric Neyrat, qui enrichissent ma pensée et décuplent ma méfiance relative à l’intelligence artificielle et ses nombreux abus possibles.

Le techno-fascisme mentionné par l’auteur est déjà en marche, on le voit bien au moment où j’écris ces lignes : la Chine a déjà mis en place un système de surveillance hyper-développé pour surveiller sa population et les États-Unis se sont engagés sur une pente dangereusement à droite, la Silicon Valley ayant emboîté le pas de son président. Sombres témoignages de leur virage à droite : le retrait des politiques diversité et inclusion, effacement des termes « problématiques » aux yeux de Trump et de milliers de sites internet… On est clairement loin du « village global » des débuts d’Internet. Ou alors, il y a un panneau « Voisins vigilants » à l’entrée…

Traumachine pose un constat pas franchement réjouissant de la situation. À nous, lecteurices et membres de l’espèce humaine, de nous mobiliser et d’être attentifs et attentives à ne nous laisser laisser envahir par une intelligence artificielle et à garder vivace notre esprit critique, en particulier vis à vis de notre utilisation de la technologie.

Traumachine – Intelligence Artificielle et Techno-fascisme.- Frédéric Neyrat.- Éditions MF

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