L’écriture comme un geste de survie et un acte de soi(n)


Pensées / vendredi, janvier 12th, 2024

J’ai la certitude absolue que tant qu’il me restera les mots, je ne serai pas totalement seule car ils trouveront toujours une âme en qui faire écho.

Quelques phrases jetées au dos d’une enveloppe ou proprement notées entre les pages d’un carnet. Tous ces mots possèdent la même valeur pour moi et traduisent l’urgence, l’instantanéité de dire une partie de celle que je suis aujourd’hui. Parce qu’écrire, c’est me décharger des mots qui m’encombrent l’esprit, pour alléger et/ou y voir plus clair. Je peux les examiner plus facilement quand ils sont exposés, mis à plat sur la page.

J’aime ces fragments de moi, ces instantanés faits de mots et remplis de pensées. Ils peuvent être poétiques, tous montrent quelque chose de celle que je suis à cet instant. Ils traduisent aussi l’urgence d’écrire comme si ces mots me brûlaient et la main, plat trop chaud qu’on ne peut pas tenir trop longtemps à main nues au risque de se brûler.

En réutilisant du papier destiné à un autre usage à l’origine. C’est un peu comme si je brisais un interdit. Je mets ma plume dans l’illégalité en faisant cela. J’imprime ma marque sur le passé, de nouvelles émotions sur d’anciennes. Je me sens un peu pirate, libre d’écrire ce que je veux sur cet espace laissé vacant par le précédent usage. Plutôt que de jeter, pourquoi ne pas faire mien ce territoire à demi-vierge, de me l’approprier ?

Je définis mes propres règles d’écriture pour cet endroit, je m’adapte, j’innove. Ces petits espaces deviennent mon laboratoire, ma table de travail, mon atelier d’alchimie. J’occupe les interstices, je me glisse dans les moins-que-des-marges pour écrier à la face du monde regardez, je suis là et j’écris, quoi que vous puissiez en dire.

D’ailleurs, qui viendrait, en ces temps d’économies, me rétorquer que je fais mal ? Je ne fais, après tout, que montrer que se sentir libre est possible, même sur du papier entamé. Mes feuilles sont remplies de ratures et c’est tant mieux, car ça me rappelle que rien n’est parfait dans la vie de tous les jours et qu’il est aussi bon de voir les imperfections qui existent et qui sont encore trop souvent effacées ou dissimulées. Mes ratures sont le signe visible de mon esprit. Il tourne, décide, hésite, se ravise, préfère tel mot plutôt qu’un autre parce que ah oui, c’est vrai que ça sonne mieux comme ça.

L’écriture, c’est comme la réalité où rien n’est pérenne en somme. Pour moi qui ai peur du changement, voir ces modifications m’aide à accepter à quel point le changement est présent partout est qu’il est inutile (illusoire ?) de le craindre et de vouloir à tout prix garder les choses telles qu’elles sont car je les contrôle.

C’est ça le vrai pouvoir de l’écriture, me montrer que « malgré » les ratures, je suis maîtresse de ma demeure en la maison des mots. Paradoxe, peut-être. Mais ce qui est sûr, c’est que je contrôle mon écriture impermanente.

Et je ferai tout pour ne plus m’en laisser déposséder.

J’ai cru perdre cette aptitude à écrire lorsque j’ai subi un burn-out. L’écriture, comme ma confiance en moi* d’ailleurs, a mis du temps à revenir. Ça a duré des années et je suis fière d’avoir surmonté cela. Aidée bien sûr, mais il m’a fallu une bonne dose de courage, d’endurance et même de lâcher-prise pour y arriver. Au final, on est toujours seul·es.

Depuis, j’ai renoué avec les mots et la poésie. Mes pensées sont comme l’océan Pacifique qui n’a, me semble-t-il, de pacifique que le nom. Sous la surface, ça bouillonne, ça remue et parfois ça tempête et ça submerge tout sur son passage. Mais je suis bien accrochée à mon stylo ou à mon clavier et je laisse passer l’orage en écrivant. Le temps d’un article, d’une page ou d’un poème.

Tout évolue dans mon écriture et je pense parfois que je suis toujours en recherche du ton juste et du « style » bien à moi. J’admire beaucoup d’autrices pour la poésie de leur plume. Chaque mot est porteur d’un enchantement puissant qui me transporte. Et j’en admire d’autres pour leur capacité à dire le réel et leurs émotions sans fards mais avec une écriture posée et franche.

À l’ombre de ces géantes dont la plume me fait rêver, voyager, rugir, pleurer et m’inspire, je me sens minuscule, mais pleine de potentialités pour tracer ma propre voie d’écriture. Voie déjà entamée d’ailleurs.

L’écriture, a fortiori la poésie, constitue pour moi le mode d’expression idéal. J’ai le temps de poser, d’analyser, réfléchir à ce que je veux transmettre pour que ça sonne le mieux possible.

~

J’ai toujours du mal à conclure, je n’aime pas dire adieu et j’ai l’impression d’oublier quelque chose.

Alors je vous dis simplement à bientôt.

Mes autrices-géantes

* Vous ne pouvez pas savoir combien j’en veux à la personne qui m’a fait ça.

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